Crash à Bangalore
 

 

 

 

          Des analogies avec le crash de Habsheim ?

Un A320 d'Indian Airlines. Notez le train principal à boggie, une adaptation spécifique demandée à Airbus, afin de se poser sur certaines pistes non bétonnées.

 

Le 14 février 1990, en approche finale vers l'aéroport de Bangalore, un A 320 de la compagnie "Indian Airlines" immatriculé VT-EPN, vol 605 en provenance de Bombay, s'écrase environ 500m avant la piste sur un rideau d'arbres et rebondit sur une bute de terre dans un terrain de golf. Il prend feu, faisant 90 morts parmi les 139 passagers.

Tout fonctionne pourtant bien à bord, la météo est parfaite, mais les moteurs repartent trop tard lors d'une remise des gaz à basse altitude. Le CdB assis à droite complétait l'instruction du pilote aux commandes et "n'aurait pas suffisamment surveillé la vitesse." L'aéroport ne disposant pas d'un ILS, l'approche se faisait en pilotage manuel.

Les autorités indiennes accusent une déficience des moteurs V2500 car il restait assez de temps à 150 ft pour redresser l'appareil si les moteurs avaient réagit, les ordres de remise de gaz ont été enregistrés  7 secondes avant l'accident.

 
 

Deux ans après le crash de Habsheim, une polémique va naître sur la fiabilité de l'A320. Indian Airlines va clouer au sol ses 15 avions pour "au moins une semaine" dans l'attente des premières conclusions de l'enquête alors qu'en France plusieurs syndicats de personnels navigants demandent la suspension des vols de l'A320.

La DGAC refuse!

La situation de la compagnie indienne n'est pas la meilleure qui soit et le président d'Indian Airlines Raghunandan Prasad va démissionner après l'accident alors que le mois précédent, les pilotes de la compagnie avaient fait grève pour se plaindre du manque de moyens pour la maintenance  au sol.

Et des proches d'airbus de poser la question: "Est-il prudent de vendre des avions aussi sophistiqués à des pays culturellement et économiquement trop mal armés pour les exploiter en toute sécurité?"

De leur côté, les autorités indiennes tiennent la France à l'écart de l'enquête et refusent de communiquer l'enregistrement du CVR aux techniciens du BEA et d'Airbus présents en Inde et envoient le DFDR au Canada pour y être analysé.

 
 
   
 

 
 

                      

 

            

Les militaires indiens vont participer à la recherche des corps dans l'épave calcinée

    

 
 

L'enquête officielle va toutefois conclure à une erreur  de pilotage de l'équipage et tous les appareils d'Indian Airlines reprendront du service 5 mois plus tard. L'enquête va également souligner que le personnel navigant et les techniciens au sol n'étaient pas suffisamment entrainés pour piloter des appareils aussi sophistiqués. Ils devront donc suivre un entrainement spécial !

Six mois plus tard, Indian Airlines va lever les options détenues sur 12 nouveaux A320.

 

Voici deux avis de spécialistes, pilotes de ligne, et diffusés sur l'ancien site Aéro "Radiococo" en 2008.

Selon HMC:

-  Capt. Fernandez: ‘Hey, we are going down!’
-  Capt. Gopujkar: ‘Oh, shit!’

7 secondes après, l’A320 percute le sol 700m avant la piste.

La probable cause de l’accident de Bangalore est bien l’inaptitude de l’équipage à réaliser la gravité de la situation alors que son Airbus A320 se trouvait à très basse altitude avec une vitesse bien trop faible pour engager une manœuvre désespérée de remise de gaz. Ce rapport met en cause l’ergonomie de l’avion générant des confusions de commandes ou de contrôle. (recommandations n°26,27,29,30,32,33,34,35,36, et 53)
Selon la commission d’enquête d’Alain Monnier, l’accident du Mont Ste Odile a été rendu possible par l'absence de perception par l'équipage de l'anomalie résultante de trajectoire verticale, due notamment à l'ergonomie de présentation des paramètres de commandes ou de contrôle de cette trajectoire.* L’accident de Bangalore était donc un vrai précurseur de celui du Mont-Ste-Odile.

*Extrait du rapport de la commission Monnier : 32.7 -/…/ la commission considère que la conception ergonomique des commandes d'ordre de pilotage automatique dans le plan vertical a pu participer à la genèse de la situation accidentelle. Cette conception lui a semblé en effet de nature, notamment dans les cas de charge de travail instantanée importante, à accroître la probabilité de certaines erreurs d'utilisation.

 

*     *    *

 Le témoignage d'un proche du dossier du crash du Mont Sainte Odile

Les mystères de Bangalore
30/01/07

Le 14 février 1990, l' Airbus A 320 VT-EPN d'Indian Airlines décolle à 11heures 58, heure locale, pour effectuer un vol de Bombay à Bangalore, métropole indienne comptant aujourd’hui 7 millions d’habitants.
A son bord, 2 pilotes, 5 personnels navigants de cabine et 139 passagers dont 4 enfants.
Le vol se déroule sans problème jusqu'à l'approche sur la piste 09 de l'aéroport de Bangalore.
Au cours de cette approche, l’avion heurte une première fois le sol, 700 mètres avant la piste, rebondit sur son train d'atterrissage, heurte un talus et s’immobilise au-delà du mur de clôture de l'aéroport.
L'avion est détruit par l'impact et par le feu.
A cause de l’accident mais aussi d’une très mauvaise organisation des secours, 88 passagers, les 2 pilotes et 2 des membres de l'équipage de cabine trouvent la mort. 54 autres occupants sont blessés à des degrés divers.
Les conditions météorologiques étaient bonnes. Le commandant de bord avait quarante-quatre ans et 10 340 heures de vol.

En cas d'accident aérien survenant en Inde, trois types d'enquête peuvent être déclenchés.
Soit par la direction générale de l'aviation civile (DGCA) qui missionne un de ses enquêteurs accident, soit par le gouvernement qui nomme une commission d'enquête composée d'au moins deux membres.
Il existe un troisième niveau d'investigation plus solennel : le gouvernement désigne une personne qualifiée qui prend le titre de "Court", mène l'enquête avec un ou plusieurs experts et rédige un rapport plus volumineux.
Sur 9 accidents survenus en Inde en 1990, seul l'accident d’A320 de Bangalore fit l'objet de la désignation d'un "Court" qui rendit son rapport en décembre 1990.

À cette époque, j'étais adhérent du syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) et membre de sa commission technique. Environ deux fois par trimestre, nous rencontrions l'organisme de contrôle en vol (OCV) pour tout se dire... ou presque.
Le 24 janvier 1991, lors de l'une de ces rencontres, j'ai eu l'occasion d'avoir entre les mains un exemplaire de ce rapport de plus de 600 pages avec l’autorisation de le lire mais l’interdiction de le photocopier. Restriction étrange s’agissant d’un document supposé officiel.
Le document étant en anglais et le temps de lecture compté, je suis allé à l’essentiel : synthèse des faits établis, remarques et recommandations du "Court".
J'ai surtout pris le maximum de notes manuscrites. Ce sont elles que j'ai confiées aux avocats de l'association ECHO (Victimes et familles de victimes de l’accident du Mont Ste Odile du 20 janvier 1992) pour transmission au Tribunal de Colmar.
J’ai cité ces notes lors de ma comparution comme témoin le xx mai 2006.

Après l’accident du Mont Ste Odile, j’ai été désigné comme expert dans la commission d’enquête ministérielle présidée par monsieur Alain Monnier, Inspecteur Général de l’Aviation Civile et de la Météorologie (IGACEM).
C’est dans le cadre de cette mission que le 18 juin 1992 m’a été à nouveau présenté l’accident de Bangalore, mais sans le rapport complet du « Court » indien.
En présence de monsieur Paul-Louis Arslanian, chef du Bureau Enquêtes Accidents (BEA), messieurs Philippe Benoît et Gordon Corps représentants éminents d’Airbus nous présentèrent en anglais les paramètres factuels du rapport et la vision Airbusienne de l’accident.
Ils insistèrent beaucoup sur ce que les pilotes n’avaient pas fait comme Airbus l’enseignait si bien, sur les problèmes matrimoniaux du pilote indien et sur le gradient de caste entre les deux pilotes.
Nous n’entendîmes aucune remise en cause des conditions d’entrée en exploitation de l’avion, ni de son ergonomie.
Toute tentative de recherche de liens entre cet accident et celui que nous étions en train d’investiguer était donc à proscrire. Message subliminal pour les experts de la Commission Monnier.
Et pourtant, il ressort pour moi de ces deux occasions d’accès au rapport et à ses constats :
-l’ambiance générale du type « avion pilotable par ma femme de ménage » instaurée par le constructeur et entérinée par l’autorité de tutelle.
-le manque d’expérience des pilotes sur ce type d’avion de nouvelle technologie mais leur grande expérience sur des avions de technologie ancienne.
-la méconnaissance par les pilotes des comportements subtils et déroutants des automatismes de cet avion.
-la focalisation de l’attention et la distraction des pilotes par un comportement de l’avion qu’ils ne comprennent pas.
- la mauvaise ergonomie de l’avion ayant très certainement causé 3 confusions de commandes des modes de pilotage.

Par la suite, il fût dit à l’encan que ce rapport n'avait pas d'existence officielle puisque son contenu était contesté.
Ceci permit à Airbus de ne pas tenir compte officiellement des enseignements à tirer de cette catastrophe et des recommandations du rapport du « Court » indien lors de son Symposium du Caire du 6 mai 1990.
C’est donc sans raison officielle qu’Airbus commença quand même à modifier son avion génial, et initia un programme d’amélioration de ses protections.
En refusant de tenir compte objectivement et exhaustivement des enseignements tirés de l’accident de Bangalore et de ses 92 morts, Airbus et la Direction générale de l’aviation civile française, autorité de tutelle (DGAC) laissaient perdurer tous les facteurs causaux ou contributifs de l’accident du Mont Ste Odile et de ses 87 morts.

Je me suis retrouvé une troisième fois en présence de ce mystérieux rapport. Hélas, une porte d’armoire forte nous séparait.
C’était à Colmar dans le bureau du juge d’instruction Guichard que j’ai rencontré plusieurs fois en tant que partie civile.
Lorsque je lui ai parlé de l’existence de ce rapport et de l’importance qu’il pouvait avoir pour l’instruction, il me répondit en deux temps : il me demanda d’abord si c’était bien un document d’environ 600 pages puis désigna son armoire et me dit qu’il l’avait là, mais que ce n’était pas un document officiel.
J’ai raconté cette anecdote au tribunal ; j’ai insisté à de nombreuses reprises auprès des juges d’instruction et des avocats. L’association ECHO en a fait de même.
Le mystère de Bangalore, c’est que ce rapport n’a jamais été joint au dossier d’instruction alors qu’il existe et qu’il est très pertinent. Mais il est vrai qu’il pourrait permettre d’ajouter l’expression « en connaissance de cause » à un chef d’accusation qui changerait ainsi de nature.

Au début du procès du Mt Ste Odile à Colmar le 2 mai 2006, le président Wagner fixa comme règle que l’on parlerait peu du « sauvetage » et pas du tout des autres accidents d’A320.
J’ai supposé qu’il voulait éviter ainsi que le procès du Mont Ste Odile donne l’occasion de refaire le procès de l’accident d’Habsheim, un des cauchemars du système judiciaire français.
Mais cette consigne amenait aussi à ne pas parler de Bangalore et des nombreux autres incidents graves ou accidents précurseurs. Les accusés ne pouvaient que s’en réjouir. Mais pourquoi la Cour d’appel ne s’y intéresserait-elle pas ?
On parla quand même dans les media et dans les couloirs du dernier accident d’A320 survenu la veille de la première audience. On en parla pendant un à deux jours et puis…..silence, dans les media et dans les couloirs. ( crash d'Armania à Sotchi)

Après Bangalore, plusieurs passagers où leurs ayants droits entamèrent des procédures devant différents tribunaux pour obtenir des compensations pour les préjudices subis.
En particulier devant les tribunaux indiens, londoniens et texans.
Airbus se lança bien sûr dans de complexes contestations juridiques. Cette bataille de procédures se poursuivait en Cour d'appel de Londres en 1998.
J'ignore à ce jour si ces procédures sont terminées, si les jugements en dernier ressort ont été prononcés, si les contentieux ont été réglés, si les préjudices ont été compensés, si les responsabilités pénales ont été déterminées, si des sanctions pénales ont été prononcées.
La bataille de procédures chère à Airbus qui l’a aussi tentée à Colmar, est un moyen peu scrupuleux de retarder la manifestation de la vérité et ses conséquences juridiques, pénales et financières.
Mais ces démarches mercantiles dénuées de toute compassion portent aussi gravement atteinte aux victimes et à leurs familles en entravant les nécessaires processus de deuil et de guérison des traumatismes psychologiques.